Semaine du 16 avril 2012
Cette
semaine, en préambule de mon exposition avec le collectif Hauts les Arts qui débutera le lundi 23 avril à
la Galerie Sainte Opportune à Paris, où je présenterai illustrations et
petits accessoires, j'explorerai l'univers du livre d'Alessandro
Baricco, Océan Mer en français, qui m'a servi de source d'inspiration pour élaborer cette collection.
Oceano mare
Chapitre I
Océan Mer, d'Alessandro Baricco
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1, 2 et 5 : Alain Roux. 3 : Irène Suchocki. 4 : Eugenio Recuenco. |
C'est un livre que je relis presqu'une fois par an, parce que l'écriture est belle, limpide, maîtrisée, parce qu'il raconte la mer, l'océan, l'eau, monstrueux ou réconfortants, parce qu'il promène des fantômes et qu'il sent l'écume et le sel.
Dans mes rêves, Jane Campion l'adapterait au cinéma pour donner corps à ces personnages qui trimballent leurs secrets, leurs fêlures et leurs défaites jusqu'à la pension Almayer.
"La pension Almayer, tu pouvais y arriver à pied, en descendant par le sentier qui venait de la chapelle Saint-Amand, mais aussi en voiture, par la route de Quartel, ou sur une barge, en descendant le fleuve. Le professeur Bartleboom y arriva par hasard."
Ou alors, Giuseppe Tornatore en livrerait une adaptation âpre et sicilienne, en y infusant la poésie nécessaire à l'évocation de ce bout du monde où un artiste peint l'océan avec de l'eau de mer sur des toiles qui restent inexorablement blanches, où un professeur pense qu'un jour, quelque part, il rencontrera sa femme en lui écrivant des lettres d'amour quotidiennes pour les lui offrir quand ils se croiseront, où une enfant essaie de ne plus avoir peur de vivre.
"Sable à perte de vue, entre les dernières collines et la mer - la mer - dans l'air froid d'un après-midi presque terminé, et béni par le vent qui souffle toujours du nord.
La plage. Et la mer.
Ce pourrait être la perfection - image pour un œil divin - monde qui est là et c'est tout, muette existence de terre et d'eau, œuvre exacte et achevée, vérité -vérité -, mais une fois encore c'est le salvateur petit grain de l'homme qui vient enrayer le mécanisme de ce paradis, une ineptie qui suffit à elle seule pour suspendre tout le grand appareil de vérité inexorable, un rien, mais planté là dans le sable, imperceptible accroc dans la surface de la sainte icône, minuscule exception posée sur la perfection de la plage illimitée. A le voir de loin, ce n'est guère qu'un point noir : au milieu du néant, le rien d'un homme et d'un chevalet de peintre."
La plage. Et la mer.
Ce pourrait être la perfection - image pour un œil divin - monde qui est là et c'est tout, muette existence de terre et d'eau, œuvre exacte et achevée, vérité -vérité -, mais une fois encore c'est le salvateur petit grain de l'homme qui vient enrayer le mécanisme de ce paradis, une ineptie qui suffit à elle seule pour suspendre tout le grand appareil de vérité inexorable, un rien, mais planté là dans le sable, imperceptible accroc dans la surface de la sainte icône, minuscule exception posée sur la perfection de la plage illimitée. A le voir de loin, ce n'est guère qu'un point noir : au milieu du néant, le rien d'un homme et d'un chevalet de peintre."
Alessandro Baricco, Océan Mer, Éditions Albin Michel, 1998.
Chapitre II
Plasson, le peintre
"L'homme
ne se retourne même pas. Il continue à fixer la mer. Silence. De temps
en temps, il trempe le pinceau dans une tasse de cuivre et trace sur la
toile quelques traits légers. Les soies du pinceau laissent derrière
elles l'ombre d'une ombre très pâle que le vent sèche aussitôt en
ramenant la blancheur d'avant. De l'eau. Dans la tasse de cuivre, il n'y
a que de l'eau. Et sur la toile, rien. Rien qui se puisse voir.
Souffle comme toujours le vent du nord, et la femme se serre dans son manteau violet.
-Plasson,
voilà des jours et des jours que vous travaillez ici. Pourquoi donc
emporter avec vous toutes ces couleurs si vous n'avez pas le courage de
vous en servir?
La
question paraît le réveiller. Elle est parvenue jusqu'à lui. Il se
tourne pour regarder le visage de la femme. Et quand il parle ce n'est
pas pour répondre.
-Je vous en prie, ne bougez pas, dit-il.
Puis
il approche le pinceau du visage de la femme, hésite un instant, le
pose sur les lèvres et lentement le fait glisser d'un coin à l'autre de
la bouche. Les soies se teignent de rouge carmin. Il les regarde, les
trempe à peine dans l'eau, et relève les yeux vers la mer. Sur les
lèvres de la femme reste l'ombre d'une saveur qui l'oblige à penser "de
l'eau de mer, cet homme peint avec de l'eau de mer" - et c'est une
pensée qui fait frissonner."
Alessandro Baricco, Océan Mer, Éditions Albin Michel, 1998.
Quelques détails, quelques indices à propos de l'exposition...
Chapitre III
Le cauchemar des calamars
Il règne au fond des mers, tout au fond, des êtres qui n'ont jamais vu la lumière.
En
1873, à Terre Neuve, des pêcheurs ont retrouvé dans leurs filets un
calamar de 10 mètres de long. Il se pourrait même qu'il en existe des
plus grands encore. On ne sait pas, l'océan renferme encore des mystères
un peu terrifiants...
Pour ne plus avoir peur, j'ai décidé de les manger.
Ingrédients
La recette
Préparer
un bouillon : dans 1,5L d'eau bouillante, jeter l'oignon découpé en
lanières + le 1/2 fenouil + le romarin et et les feuilles de laurier.
Couper
les blancs de calamars en tranches. Les glisser dans le court-bouillon
pendant 10mn. Filtrer, garder le bouillon et le laisser réduire un peu
sur le feu, puis saler.
Garder
500ml de bouillon réduit, ajouter l'encre de seiche et l'agar-agar,
remuer et porter à ébullition pendant 30 secondes environ. Laisser
prendre la gelée au frais dans une grande plaque, c'est assez rapide.
Dans
un wok, faire revenir l'ail + la panure dans de l'huile d'olive très
chaude, puis y ajouter les calamars. Les laisser dorer en remuant de
temps en temps.
Ajouter le persil ciselé.
Laisser
reposer quelques minutes. Pendant ce temps, découper des formes dans la
gelée à l'encre de seiche, c'est particulièrement délicat, et parsemer
de calamars.
Très beau texte Blandine ! Tu m'as donné grande envie de plonger dans ce texte d'Alessandro Baricco. A te lire, je comprends pourquoi tu imagines Jane Campion l'adaptant - sa leçon de piano vibre encore en ma mémoire
RépondreSupprimerOui, le parallèle est inéluctable : impossible de lire Océan Mer sans que les images de la leçon de piano s'intercalent entre les lignes d'Alessandro Baricco! Je te le prêterai si tu veux, après l'expo, je suis sûre que tu aimeras!
RépondreSupprimerOUI, je le veux (bien) ! Bons préparatifs Blandine !
RépondreSupprimerBéatrice